Tour de France à l’Alpe d’Huez (2004 – CLMI)
Exceptionnellement, ce sujet s’écarte de ceux traités habituellement sur Photos-Dauphiné. Et puis, le Tour de France visite régulièrement la région chaque été. Il a donc un peu sa place ici…
Une journée dans la fournaise de l’Alpe d’Huez.
Le Tour de France à l’Alpe d’Huez est toujours un événement. Les 21 redoutables lacets qui se succèdent de Bourg d’Oisans à l’Alpe sont implacables pour les coureurs victimes de défaillances. La montée à l’Alpe d’Huez est devenue une habitude pour le Tour, qui y jugeait jusqu’alors les arrivées d’étapes des Alpes, au terme de plusieurs grands cols. Le coin est riche en cols célèbres, c’était en quelque sorte la cerise sur le gâteau.
Question de bien se mettre dans le bain pour ceux qui ne connaitraient pas le coin, je vous laisse vous glisser dans la peau du cycliste prétendant à l’ascension de cette route de légende – je trouve que le ton épique rend assez fidèlement le doute qui vous saisit à l’approche de la première rampe :
Après vous être échauffé sur les belles lignes droites de la vallée de l’Oisans, vous arriverez au pied de la célèbre montée de l’Alpe. 10 m après le franchissement de la ligne de départ, vous entrez dans le vif du sujet et là… Adieu le plat pays. Départ à 737 m. La première rampe très sévère vous amène au virage 21 (altitude 806 m) et se poursuit par une escalade redoutable jusqu’au virage 17 à 965 m. Une fois passé ce virage, vous arrivez au village de La Garde dont la traversée vous permet de récupérer sur 200 m de moindre pente. Là, les costauds relancent et prennent de la vitesse, les moins costauds soufflent avant de voir poindre le virage 15 (1025 m) où à nouveau, la pente s’accentue sur plus d’un km. Au virage 14 et sur votre gauche, le monument dédié à la mémoire de Joachim Agostino, vous voit passer dans un état de relative bonne fraîcheur.
Un léger replat vous amènera au Ribot d’en Bas dont la sortie vous fera apprécier la pertinence du prochain hameau, le Ribot d’en Haut. A 1161 m, le virage 12 vous accueille et l’enchaînement des virages 11/10/9 consacre la forme de chacun quel que soit son niveau. Ultime moment de moindre difficulté, l’arrivée à Sainte-Ferréol (1390 m – cimetière d’Huez) où un point d’eau permet aux âmes en perdition de se refaire une santé. Ensuite, grimpée et traversée du village d’Huez. A partir du virage 5 à 2, on entre à nouveau dans le vif du sujet jusqu’au croisement dit de la Patte d’oie et là, les 3 derniers virages s’enchaînent sur une pente similaire à la première partie de la montée, jusqu’à La Garde.
Le virage 1 (1713 m) très élargi permet de conclure la grimpée vers la station puis de déboucher dans le Vieil Alpe, passer sous le tunnel et à hauteur du chalet Le Camigane, la flamme rouge du dernier kilomètre revigore les dernières velléités du grimpeur jusqu’à la partie sommitale, plus plate entre les 2 rond point. Encore 300 m et vous en aurez fini avec les 21 virages, les plus mythiques du cyclisme. (source : www.alpedhuez.com)
Pour la première fois, le Bourg d’Oisans devenait non pas la dernière bourgade traversée avant l’ultime montée, mais le départ d’un inédit contre la montre individuel (CLMI). A la notoriété du lieu s’ajoutait donc la possibilité de voir les coureurs se défendre un à un contre les assauts répétés des rampes de 9%. Il était donc prévu qu’il y aurait beaucoup, beaucoup de monde. Et ce fut effectivement une foule indénombrable qui se pressa le long des 15 kilomètres de ce calvaire.
Nous étions prévenus que l’accès à Bourg d’Oisans serait impossible en voiture le jour même ; par précaution, la N91 était fermée dès Vizille à partir de 6 heures du matin. Restait des navettes depuis Grenoble ou … le vélo, tout simplement. L’occasion d’allier le spectacle à une petite virée sur des routes fermées. Nous avons donc fait ce dernier choix.
Partis au matin du mercredi 21 juillet de Grenoble à 7h00 les vélos dans le coffre, nous étions comme prévus bloqués à l’entrée de Vizille à 07h30. On abandonne donc la voiture sur le bas-côté — beaucoup de cyclos avaient manifestement eu la même idée ! Vers 8h00 on embraye donc sur la N91 direction Livet-et-Gavet, puis Rochetaillée. Les pancartes de cols fameux s’égrennent au passage : Glandon et Croix de Fer par la vallée de l’Eau d’Olle, Ornon … on n’est pas là pour eux aujourd’hui !
Tout au long de la route, c’est une colonne ininterrompue de vélos qui vont de l’avant pour rallier la ville départ de l’épreuve. L’ambiance est très sympa, une ambiance de fête. Seuls les cars organisés en noria entre Bourg et Grenoble ainsi que quelques rares voitures nous obligent quand même au minimum de prudence.
Après 32 km de légère montée, nous arrivons la plaine de Bourg vers 9h15. On a l’impression d’une kermesse géante. Les champs sont transformés qui en parking pour voitures, qui en campings improvisés (payants …) pour camping-cars. Les groupes de gendarmes se font plus fréquents, les voitures sont refoulées : voici l’entrée de Bourg-d’Oisans. Même les vélos ne passent plus ; la nationale est fermée dans le village, les ultimes préparatifs du départ sont en cours. Plutôt que redevenir piéton pour passer sur des trottoirs saturés où est canalisé tous le flux, nous choisissons de contourner par de petites rues pour revenir par l’entrée sud du bourg. De toute manière, on se retrouve peu après tous sur le dernier km de plat avant d’entrer dans la première rampe, très impressionnante par la rupture de pente qu’elle laisse apparaitre par rapport à la plaine.
La foule est déjà tellement compacte qu’on a du mal à progresser à vélo. On avance au rythme des piétons répandus sur la largeur de la chaussée. Vélos et marcheurs montent lentement vers les premiers lacets. Quelques voitures salvatrices parviennent à ouvrir la voie ; nous nous glissons dans le sillage pour progresser un peu plus vite. Tout le long de notre progression, nous constatons que les spectateurs sont déjà là en grand nombre. Nous sommes pourtant à plus de 4h du départ de la course. En définitive peu de Français, beaucoup de Belges, Allemands, Hollandais, et Américains : des tours operateurs leur organisent des voyages spéciaux Tour de France – Lance Armstrong.
Nous nous postons entre le 4e et 5e lacet, il y a de la place sur le parapet. Il est 9h45, et la journée va être longue … (classement général matin, classement du contre la montre (résultats de l’étape), classement général soir, classement général Paris, les 21 équipes engagées).
La caravane va passer dès midi ; le départ du premier coureur est donné à 14h00. Initialement à peu près disciplinée, la foule va peu à peu envahir la chaussée pour ne s’écarter qu’au dernier moment, au passage du coureur. Nos voisins transalpins ne sont pas les plus sages. Les gendarmes présents tous les 50m ont certainement reçu des consignes de clémence, mais on s’étonne tout de même de ce laxisme. Etonnant qu’il n’y ait pas plus d’accident.
157 coureurs vont s’élancer par ordre inverse de leur position au classement général. Donc Armstrong en dernier. Tout de façon, la course ne présente plus vraiment d’intérêt à ce niveau là, sauf accident exceptionnel.