Tour de Chartreuse à vélo
Il y a bien longtemps que j’avais repéré cette possibilité de parcours sur la carte. La topographie du massif s’y prête bien, et offre un plateau de choix aux cyclistes souhaitant enchaîner des cols dans un cadre somptueux. La journée donnée pour estivale par Météo France m’a décidé à me lancer sur cette boucle que j’avais estimée à 120 km. A l’arrivée à Sassenage le compteur donnait 128.
Un circuit vélo, mais également des rencontres et des tranches de vie que les trop hermétiques voitures ne permettent plus.
Avant d’entrer dans le sujet : les photos prises durant le parcours l’ont été avec mon téléphone portable, un HTC Touch Pro 2. Ce téléphone, s’il a par ailleurs révélé d’autres qualités, dénote par la piètre qualité des photos. Ce qui a mon sens n’est aujourd’hui pas pardonnable pour des vues prises par une journée ensoleillée. Images molles, détails complètement noyés, c’est pas très brillant, vous voici avertis.
Ce sera un critère que je prendrai certainement en compte pour mon prochain téléphone. C’est frustrant, d’autant plus que certains fabricants s’en sortent très honorablement.
La traversée de Chartreuse est réputée sous l’appellation Trilogie. Le trajet, qui peut se faire de Grenoble à Chambéry ou inversement, enchaîne le Col de Porte, le Col du Cucheron et enfin le Col du Granier. J’ai modifié cet enchaînement au départ de Sassenage en remplaçant le Col de Porte par le Col de la Placette. La raison principale étant que j’apprécie particulièrement de pénétrer dans la Chartreuse par les fraîches Gorges du Guiers Vif. Après le Col du Cucheron et le Col du Granier, j’avais prévu de rentrer par la petite route en balcon par Chapareillan et Saint-Hilaire.
Donc départ à la fraiche de Sassenage, direction le Pont de Veurey. Démarrage en douceur sur la piste cyclable tracée sur la digue le long de l’Isère. D’autres cyclos sont également en route, c’est tentant de s’accrocher aux trains qui passent, mais je me tempère en pensant aux difficultés qui vont s’enchaîner plus tard en montagne. Passage sur le Pont de Veurey (toujours aussi dangereux), puis je rejoins Voreppe par les champs. Enfin à pied d’œuvre sur la première difficulté : en avant pour le Col de la Placette. Je me force à y aller modérément. Les rayons du soleil commencent à chauffer, ce va être une belle et chaude journée. De nombreux cyclos ont eu la même idée. Passage au sommet du col de la Placette ; je bascule ensuite dans la fraîcheur de la descente vers la plaine de Saint-Laurent du Pont. Vraiment beaucoup de voitures pour une heure si matinale, il y aura certainement du monde sur les sentiers de Chartreuse.
A partir de Saint-Laurent du Pont commence une route que j’affectionne particulièrement. En direction de Saint-Pierre de Chartreuse, elle longe le Guiers Mort sans trop monter avant de faire ressentir une pente plus prononcée, qui après le passage sur le Pont Saint-Bruno et le franchissement de deux tunnels, mène sous le monastère de Grande Chartreuse. On entend la rivière rebondir en cascade sous la route, les vieux arbres dégagent leur fraicheur. Une fois passé le Pont des Allemands, la route s’aplanit, passe la Porte de l’Enclos et rejoint La Diat. Un lacet en S bien relevé dans lequel le soleil montre à quel point il va faire peser ses rayons, et on arrive à Saint-Pierre. La belle fontaine ornée du symbole chartreux (le globe cruciforme) me fournit l’occasion de remplacer mon eau tiédasse par une eau vive et fraîche.
Et c’est reparti, direction le Col du Cucheron, qui m’a toujours, quelque soit le sens d’escalade, laissé une désagréable impression. Cette fois-ci ne fera pas exception, toujours ce satané lacet qui se relève brutalement. Une fois le col passé, je m’aperçois que la route normale, celle qui passe par Saint-Philibert, est fermée. La déviation proposée par l’autre versant n’induit pas de difficulté supplémentaire. Donc direction Saint-Pierre d’Entremont, par une jolie route ombragée qui, dans ce sens, offre une descente tranquille.
Arrivé à Saint-Pierre d’Entremont, ma curiosité est éveillée par un rassemblement devant la mairie, joliment ornée de drapeaux tous neufs. J’avais décidé de faire un ravitaillement ici, je m’arrête donc à la boulangerie et prends une table au soleil. Des orateurs ceints de leur écharpe tricolore s’apprêtent à prendre la parole, je vais donc avoir le fin mot de l’histoire. Une histoire qui se répète, qui a pour objet le bureau de Poste, dont la direction veut réduire les amplitudes horaires. Maire du village et des bourgs environnants, représentant du Conseil Régional, tous font preuve en parole d’une détermination affichée. Il est vrai que le village est enclavé. La fermeture de la Poste aurait certainement des conséquences. Je me décide à partir ayant une fois de plus renouvelé l’eau du bidon à la fontaine de l’église. Le soleil est maintenant fort, le compteur affiche plus de 30°.
Je repars avec deux vélos en point de mire. La dernière difficulté (pensais-je) est proche, je peux commencer à « engager » un peu plus. Direction Entremont-le-Vieux, par une route que la réalité révèle plus pentue que dans mes souvenirs. On s’amuse à relancer avec les deux cyclos, et on rejoint un vélo qui semble en perdition (ne jamais se fier à ce genre de jugements hasardeux). Le vélo porte une intrigante plaque « LMB ». Après avoir discuté, le cyclo nous explique qu’ils sont tout un groupe à réaliser un raid Lyon-Mont-Blanc (en fait Praz s/Arly) parti tôt de Lyon. Ils vont aligner 225 km, avec retour le lendemain… en vélo. Chapeau. J’admire en passant le vélo, un « Spé » S-Works, une machine de guerre.
L’ascension du Col du Granier, marquant le point extrême nord du périple, est entamée. La pente est raisonnable, mais les kilomètres commencent à se faire présents dans les jambes. Notre petit groupe éclate, et le randonneur au long cours remet la gomme, il est attendu ce soir à 150km. Je finis le col à mon allure. Au nombre important de vélos s’ajoutent les motos qui profitent en groupe de la journée. Pas facile pour les voitures.
Immédiatement après le col, je bascule vers Chapareillan. La pente est vraiment très forte. Cela m’est confirmé par les visages marqués et les danseuses désespérées de ceux que je croise. Je savoure la fraicheur des sous-bois. Arrivé à Chapareillan, je bifurque à droite direction Sainte-Marie du Mont, pour rester en balcon sur la vallée du Grésivaudan et m’éviter la fastidieuse nationale. Tout va bien, je suis sur le retour. Sauf que cette option s’avère être bien plus énergivore que ce que je m’étais projeté. Du vrai casse patte avec des passages à 12%, des pentes qui changent brutalement, un soleil de plomb. Je passe Bellecombe, Saint-Marcel d’en Bas, Saint-Marcel d’en Haut. Ca n’en finit pas. Des passages ombragés donnent un peu de répit, puis ça repart. La performance n’importe plus, ce qui compte c’est de réussir à rentrer dans des conditions correctes. Au détour d’un virage j’avise un cycliste devenu piéton dans le dur d’un raidillon. Pas de problème mécanique, simple question de fatigue. Je le reverrai plus tard, il s’agit d’un gendarme de Goncelin.
J’arrive finalement à Sainte-Marie du Mont. A partir de là on peut redescendre vers La Flachère. J’avais prévu de continuer à monter vers le Col de Marcieu, je me convaincs de rester sur ce choix. Direction le col. Ca monte doux puis ça durcit sur la fin, je me dis que j’aurais mieux fait de me laisser glisser vers la vallée, je commence à peiner. J’arrive finalement au col de Marcieu. Pause casse-croute, je sais que j’en ai fini avec les difficultés.
Je reprends ensuite en direction de Saint-Bernard du Touvet puis Saint-Hilaire. Les nombreux parapentistes et aile-deltistes (?) profitent de l’aérologie favoble pour défier les lois de la gravitation. Enfin Saint-Pancrace, et c’est la descente finale vers Saint-Nazaire les Eymes, après un tunnel glauque, obscur et humide. On est en début d’après-midi, le soleil donne à plein, je croise des groupes qui montent vers le Col du Coq. Pas le moment idéal…
Enfin la nationale est atteinte. Je vise la Tronche pour pouvoir récupérer la piste cyclable qui mène au Pont D’Oxford. J’ai dépassé les 120km, ça fera donc dans les 130. Par un trajet que je connais bien car quotidien, je rejoins Sassenage à une vitesse surprenante au vu des efforts consentis dans la proche Chartreuse. Certainement l’histoire des chevaux qui sentent que la maison est proche.
Conclusion : 128km, 2600 m D+, des rencontres et de très beaux paysages de montagne plein la tête, et par dessus tout la satisfaction d’avoir accompli un tour que je m’étais promis depuis longtemps. Avec ce circuit je bas mon propre record d’ascension établi l’été dernier entre Méribel et Val-Thorens.