Tour du Vercors à vélo

Comme disait mon ami Bernard en amoureux des routes de montagne, « le vélo c’est comme la pêche : il faut mouliner ».

Tour du Vercors par l'intérieur
Tour du Vercors par l'intérieur

J’ai réalisé hier avec un ami un circuit vélo que je m’étais projeté depuis longtemps et qui me tentait tout particulièrement. Il s’agit du tour du Vercors par l’intérieur. Ce circuit permet de découvrir les différentes facettes du massif, avec notamment la subtile transition du nord au sud. La météo était idéale, un petit 9°C au départ à 8h et 25°C au plus chaud. Un régal, avec un apport en fraicheur des différentes rivières longées. Et un délice pour les yeux, le vélo étant décidément irremplaçable quand il s’agit de s’imprégner d’un paysage.

Le circuit fait la jonction entre Lans et le Col du Rousset, tout au sud. Distance 140km. Dénivelé + 2,200m : un tel dénivelé semble exagéré pour un circuit par l’intérieur. Il est le résultat de l’accumulation de petits cols.

Ayant laissé la voiture à Lans à 8h, nous enfourchons nos vélos, direction le col de la Croix Perrin. Il fait frais, je me sens à mon aise dans ces températures. Ca monte tout de suite régulièrement, les brumes matinales sont encore accrochées au premiers hectomètres de la rampe qui s’élève au dessus de Lans. Je connais bien ce col, il constitue habituellement l’ultime difficulté quand je monte de Sassenage. J’ai mes repères chronométriques, mais aujourd’hui c’est différent, il va s’agir de durer sur 140km. On gère donc l’effort en pensant à la journée qui va être longue sur la selle. C’est aussi ça le plaisir d’une grande sortie.

Après le col on bascule dans le froid de la descente vers Autrans. On retrouve les brumes et leur humidité. C’est jour de marché à Autrans, ça sent le poulet et le saucisson. Même pas envie, un petit déjeuner copieux absorbé le matin remplit son office. Direction Méaudre. Le plateau est très humide, la température ressentie chute brutalement. Je m’attendais à avoir ce problème dans les gorges du Méaudret, ce ne sera pas le cas.

Ca file bien dans les gorges qui nous permettent de nous réchauffer un peu (!). Puis bientôt le hameau des Jarrands, qui marque le débouché des gorges de la Bourne. On s’engage dans la descente des gorges, il y fait étonnament doux comparé à ce que nous avons eu sur la plateau. La route est en mauvais état, pas le temps de jeter un oeil à la rivière, le vélo tape fort sur les irrégularités du bitume ; vivement le pont de Goule Noir. Auparavant le pont de Valchevrière nous projette sur l’autre rive. Ces noms me rappellent les épisodes dramatiques survenus en 45. L’air est paisible maintenant.

Goule Noir marque le début de la deuxième ascension du jour, la montée vers Saint-Julien en Vercors. Une de ces routes qui font aimer le vélo en montagne. Ombragée, offrant des très belles vues sur la Balme de Rencurel, pente régulière à 5/6%. C’est un régal. Après une rapide passe d’arme avec un papy étonnamment vigoureux à 70 ans, on profite enfin du vrai soleil en parvenant sur le plateau de St-Julien. C’est l’heure où les troupeaux se rendent au champ, nous sommes stoppés quelques instants par les vaches qui traversent nonchalamment la chaussée.

C’est ensuite la grande descente qui nous fait traverser Saint-Julien, Saint-Martin. On ne peut s’empêcher de penser qu’il faudra remonter tout ça au retour. A moins… qu’on ne passe par Herbouilly. Mais non, les souvenirs que j’en ai me situent la difficulté bien au dessus de la remontée par la Bourne.

Au niveau de Tourtre, nous laissons l’embranchement vers Saint-Agnan à notre gauche. Nous reviendrons par là tout à l’heure. Pour le moment, direction Les Barraques. C’est avec nostalgie qu’on passe devant le nouveau tunnel, qui a condamné le passage historique des Grands Goulets. La route se redresse ensuite, nous reprenons un peu de l’altitude perdue en montant vers La Chapelle. Re-troupeau peu avant le village, mais cette fois la synchro est bonne, les vaches finissent de passer alors que nous arrivons. La route continue à monter après La Chapelle. Nous bifurquons à droite en direction du Col de Carri, dont une rampe bien visible face à nous dans la paroi souligne l’altitude relative par rapport à l’embranchement. Ce sont les premières pentes à 10%, les jambes ne réagissent plus comme aux premiers kilomètres. La route est au soleil depuis le matin, la chaleur commence à se faire sentir. Je profite du col pour me réalimenter. On est pratiquement à la moitié de la distance.

C’est ensuite la descente vers le Col de la Machine, qui rappelle l’épopée forestière de la vaste forêt de Lente. Nous prenons à gauche vers Font d’Urle, au milieu d’un groupe de cyclos montés du Royans. La route s’éléve régulièrement en forêt d’abord, puis ensuite à découvert. La montée nous semble longue. Un premier téléski signale la proximité du col routier. Un dernier effort, et la route bascule au voisinage de la modeste station de Font d’Urle. Paradoxalement le Col de la Chau n’est franchi que plus bas. Il s’agit certainement d’un col transversal. Après le mémorial de la Résistance la route plonge litéralement vers la plateau de Vassieux en de longs et pentus lacets taillés dans le calcaire des parois. Certaines pierres ont chuté sur la chaussée, gare…

Nous passons le cimetière militaire de Vassieux, dans lequel sont visibles les carcasses des planeurs qui ont déversé la mort sur le village martyr. Les plaies sont longues à panser, plusieurs générations n’y ont pas suffi.

Nous nous engageons sur la route du Col du Rousset. Etrange, les panneaux indiquent un col non identifié lors de la préparation de l’itinéraire, le Col Saint-Alexis. Effectivement, la route se redresse et ça repart à 5/6%. Après quelques kilomètres nous franchissons ce col Saint-Alexis. En fait la route descend derrière en faux plat, ça n’est donc pas un vrai col à mon goût.

Nous distinguons au fond du synclinal de Rousset la petite route que nous reprendrons après la pause. Pour le moment nous sommes tournés le Col du Rousset, que nous rejoignons après quelques hectomètres tranquilles. Il y a encore quelques touristes dans la station. Le timing est parfait, il est peu après midi. L’un des snacks ouverts va nous régaler d’une entrecôte bien garnie, avalée avec un appétit comme seuls les kilomètres engloutis savent creuser. On discute des 90 kilomètres parcourus le matin et de notre état de forme probable sur le chemin du retour. Par dessus tout nous profitons de cet instant de répit, posés en équilibre tout au sud du Vercors.

Nous étant dignement restauré, nous remettons en route à 14h. Nous commençons par 45 minutes de descente ou faux-plat descendant par Rousset et Saint-Agnan. Ce profil avantageux nous permet de nous remettre tranquilement dans le rythme. Si nécessaire, la rivière naissante de la Vernaison nous amène une fraicheur bien appréciable après Saint-Agnan, à l’ombre d’un alignement d’arbres qui nous reposent de leur ombre bienfaisante. Au niveau de Tourtre nous retrouvons la route que nous avions empruntée dans l’autre sens ce matin.

Il ne reste plus que quelques kilomètres avant la remontée sur le plateau de Saint-Julien. Peu avant Saint-Martin, la pente se signale à nos jambes, nous allons bien voir ce qui nous reste. Cela fait 110km que nous sommes sur les vélos, le pédalage est devenu mécanique, et les seules forces que nous sommes capables de mettre sont celles que l’organisme consent. Pas moyen de tricher en endurance, il faut se plier à ses capacités intrinsèques, supposant que l’alimentation ait amené ce qui était nécessaire à l’effort. C’est ce qui me plaît à ce moment. Il n’y a pas à réfléchir, on monte mécaniquement. On ne se pose pas la question de savoir si on est trop vite ou pas. On sait simplement qu’on est au rythme qui convient à sa condition.

Les 4 km de remontée se passent en fait plutôt bien. Saint-Julien passé, nous nous retrouvons lancé dans la descente dans les gorges de la Bourne. Revêtement neuf, fraicheur de la forêt, beauté des paysages… cette dernière descente est un enchantement. Nous retrouvons le pont de Goule Noir au fond des gorges et procédons à l’ascension de la jolie route touristique de la Bourne creusée dans le rocher en balcon sur la rivière. Un gars nous dépasse à vive allure dans une danseuse forcenée. S’il a remonté toutes les gorges ainsi, chapeau. Nous avons pour nous les 120km roulés depuis tôt ce matin.

La route se redresse, annonçant la sortie des gorges et l’arrivée aux Jarrands. Retour à la civilisation et à son problématique corollaire, la circulation. Nous poursuivons notre circuit comme prévu vers Villard puis Lans, mais le flot de véhicules circulant depuis les Jarrands remet la sécurité au premier plan et rompt quelque peu le charme de la fin de parcours, forçant une attention de tous les instants. Un semi remorque nous frôle dans la plaine de Lans, confirmant notre préoccupation. Le parking se profile enfin. Le coup d’oeil rituel de fin de sortie au compteur : 140km, +2,200m. On est content de notre journée, tous les éléments ont été réunis sur un circuit qui vaut vraiment le coup de pédale.