Randonnée et sécurité

Risque

Il m’est arrivé dernièrement une mésaventure édifiante sur le besoin impérieux de songer sérieusement à sa sécurité et celle des autres lorqu’on s’engage sur un sentier, quelqu’en soit sa difficulté.

Nous étions partis à 4 (dont une ado) faire une reconnaissance pour une randonnée prévue de nuit les prochaines semaines avec un groupe important. Le point de départ était le col de la Charmette, en Chartreuse, et nous avions prévu une boucle par le goulet d’Hurtières et les Bannettes.

  • Sur les 4 personnes, 2 étaient chaussées correctement avec des chaussures de randonnée. Les deux autres étaient en basket ;
  • Nous étions équipés de 2 lampes frontales pour 4 (dont une ayant des piles fatiguées) ;
  • Nous savions que nous terminerions la reconnaissance de nuit ;
  • Nous étions équipés d’une carte IGN 1/25,000e ;
  • Nous avions avec nous 3 téléphones portables dotés de fonction GPS dont 2 ayant une batterie pratiquement vide. En fait la batterie de l’un des téléphones s’était peu à peu vidée de par l’activation de la fonction tracking du GPS, qui permet d’enregistrer le parcours ;
  • Nous étions vêtus « léger » (short, T-shirt et polaire dans mon cas) ;
  • Nous avions emporté la nourriture pour un repas ;
  • 2 d’entre nous avaient une bonne connaissance du secteur (Grande Sure) ;
  • 1 personne ne connaissant pas le secteur pratiquait la course d’orientation.

Voilà pour les conditions générales. Nous étions 4 bons marcheurs, en bonne condition physique. La suite doit être vue sous l’angle de la marge de sécurité perçue au départ (souvent surestimée), contre la marge de sécurité qui se révèle trop souvent très mince lors de l’accident. Ce qui peut s’avérer tragique en cas d’enchaînement de conditions non prises en compte au départ.

Sur le chemin du retour, vers 21h15, je me fracture le tibia par un mauvais mouvement de jambe, en glissant sur l’humus. Je mets tout de suite mon vêtement polaire, le choc émotionnel ayant entraîné une hypothermie passagère. L’émotion passée, nous faisons rapidement le point, et décidons de redescendre ensemble à la voiture, estimée à 1h de marche. Il est 21h30, la nuit est maintenant totale, et je marche sur un pied en m’appuyant sur les épaules de mes 2 acolytes qui m’entourent. Nous réalisons rapidement que le sentier se distingue difficilement dans la nuit, avec risque de fausses pistes du fait de l’humus présent partout qui peut laisser imaginer un chemin là où il s’agit simplement de la ligne d’un talweg. Le jalonnage du chemin est dans ce cas salvateur. Or sur les 2 frontales disponibles, une montre des signes de faiblesse. Nous laissons la plus puissante à la 4e personne qui se positionne comme ouvreuse en étant chargé de vérifier la succession des balises. Derrière, nous suivons éclairés de la lumière palote de l’autre frontale.

Bien que n’étant pas très lourd, mon poids pèse réellement sur les épaules de mes amis. Cela amène une remarque évidente concernant le danger des randonnées en solitaire. Si j’avais été tout seul, pas d’autre solution que de ramper.

Lors de multiples pauses, nous vérifions que nos GPS sont inutiles, ne parvenant pas à capter le signal satellite. Nos téléphones ne sont ensuite d’aucun secours, aucun réseau de téléphonie n’étant détecté. Autant d’outils contribuant à la perception d’une marge de sécurité, qui s’avèrent inutilisables.

La progression s’avérant laborieuse, décision est prise de nous scinder en deux groupes : je reste sur un rocher, assis du mieux que je peux, avec un des 2 amis. Les deux autres personnes ont pour mission de redescendre vers la voiture, vérifiant régulièrement si le téléphone réussit à accrocher le réseau. Avant de nous séparer, l’un des téléphones réussit à fournir les coordonnées GPS, précieusement enregistrées par le groupe qui descend chercher les secours.

Commence alors l’attente des secours. J’ai la chance de pouvoir bavarder avec mon ami resté pour me tenir compagnie, qui m’a prêté sa veste pour couvrir mes jambes. 3 heures plus tard, nous somme rassurés par l’éclairement de puissantes lampes qui progressent dans notre direction. Quelques instants après je suis en compagnie de 2 gendarmes du PGHM du Versoud, guidés par mon ami descendu chercher les secours. Après avoir été brancardé, je suis conduit aux urgences.

Cette épisode pose clairement des questions relatives à la sécurité dont il faut s’entourer pour aller randonner, et plus particulièrement en montagne :

  • Ne jamais partir seul, c’est suicidaire ; l’idéal étant d’être 3 : une personne restant au chevet du blessé, l’autre personne descendant chercher les secours ;
  • Les promenades nocturnes amplifient considérablement les risques, par la désorientation qu’elles entraînent et la difficulté (voir impossibilité) de repérage par hélicoptère ;
  • Partir en étant chaussé correctement, et prévoir des vêtements chauds ;
  • Même pour une rando commencée de jour, ne jamais oublier d’emporter une lampe munie de piles en parfait état ;
  • Sans jamais surestimer la sécurité apparente que procurent GPS et téléphone portable (la couverture du réseau en montagne est aléatoire), emporter un téléphone parfaitement chargé ;
  • Au fur et à mesure de la progression, surveiller de temps en temps le téléphone pour être capable de revenir au dernier point d’accrochage réseau en cas de faible couverture ;
  • Partir avec quelques provisions, dans la perspective de passer plus de temps que prévu et de passer une nuit ;
  • Emporter couverture de survie (encombrement et poids nul), trousse de premier secours ;
  • Prévenir d’autres personnes de l’itinéraire prévisionnel avant le départ.

Liste certainement non exhaustive, mais qui pourra vous éviter d’être confrontés à des situations pouvant rapidement dégénérer. Le problème étant bien souvent que lorsqu’on réalise l’absence de marge de sécurité, il est malheureusement trop tard.